Le VOCABULAIRE DES EXtrêmes

L’imagerie populaire de la gauche et de l’extrême gauche, avec les références aux Soviets et à Mao, occupe aujourd’hui bien plus notre imaginaire que celle des droites. Pour autant la production graphique a été tout aussi dense, que ce soit à travers les partis politiques, la communication d’Etat avec la France de Vichy, ou à travers d’autres fractions plus moins légales.

Cet article a donc pour objet de relever les signes graphiques fondateurs de la droite et de l’extrême droite, en analysant l’imagerie déployée sur les supports. L’affiche est bien-sûr la pièce maîtresse de la propagande visuelle, mais il faut aussi prendre en compte, surtout dans cette mouvance des extrêmes, l’ensemble des documents imprimés comme les tracts, les papillons (l’ancêtre de l’autocollant, porteur d’un message écrit très court), les autocollants ou les insignes qui ont tous contribué à forger l’iconographie graphique de la droite et de l’extrême droite en France.

Cet article repose en grande partie sur le travail de recherche de Zvonimir Novak, professeur d’arts appliqués et journaliste, qui a compilé dans son ouvrage, “Tricolore” une grande quantité de visuels et qui nous livre une analyse fine des ressorts de la communication de ces extrêmes.

 

L’action politique conjugue pour s’exprimer, depuis le début du XXème siècle, la puissance de l’image et force du verbe. L’extrême droite a son propre vocabulaire visuel comme les régimes soviétiques et maoïste et ce vocabulaire est bien-sûr à mettre en relation avec les “grandes causes” qu’il porte : L’exaltation du sentiment patriotique contre l’universalisme républicain, l’antisémitisme et le racisme et la haine des régimes communistes qui sont les 3 grandes axes d’expression.

En portant ces thèmes, l’imagerie du mouvement s’est construite dans les tourments de l’histoire et les temps forts des mouvements politiques. La propagande apparait dès la fin du XIX ème siècle avec le mouvement boulangiste, la propagande de guerre, les mouvements catholiques extrémistes, les ligues de l’entre deux guerres, le Pétainisme, l’activisme de l’OAS, les actions Poujadistes et le soutien au Général De Gaulle, jusqu’au partis d’extrêmes droites que nous connaissons aujourd’hui.

Les messages sont souvent simples et résistent au temps comme : “la France aux Français”, déjà utilisé sur les tract de 1906 et repris sur les affiches du Front National à la fin des années 80.

LES SIGNES FONDATEURS

Parmi les signes qui construisent le vocabulaire visuel de la droite, en premier lieu il faut noter l’utilisation de la couleur bleue.
En France, le bleu est la couleur du parti Les Républicains (LR) et des partis de droite en général, ainsi que du Rassemblement national (RN). Le bleu est aussi la couleur du mouvement royaliste Action française (AF) ou encore de l’Alliance royale (AR). Le rouge est bien-sûr la couleur de la révolte contre l’ordre dominant établi. Le brun est aussi utilisé en référence aux chemises brunes fascistes. La couleur jaune associé au noir est un élément de communication des franges les plus extrêmes, en lien avec les premiers mouvements dits des Jaunes au début du XXème siècle, en réaction contre les mouvements syndicalistes. Comme on le voit sur le timbre de propagande ci-dessous qui date de 1906.

La cocarde, même si on la doit à la Révolution française et qu’elle est souvent utilisée hors contexte politique, pour revendiquer le Made In France, constitue un des éléments les plus récurrents de l’imagerie de la droite. La cocarde étudiante par exemple est une organisation d’extrême droite fondée en 2015. Évidemment l’usage tricolore est avec la cocarde l’élément visuel qui rythme presque tous les supports de propagande.

La création d’une insigne ou d’un logo comme nous dirions aujourd’hui devient une priorité, souvent avant l’élaboration du programme politique lui-même. Les organisations sont fascinés par le triomphe des signes dans les systèmes totalitaires qui les inspirent. La croix gammée ou le faisceau de licteur (en référence à l’Empire romain) fascine les ligues fascistes françaises.

Le tricolore se décline à l’infini, dans la France de Pétain sur les affiches et les insignes

Le goût pour les sigles se cristallise autour des ligues des années 30, avec le Front Franc en 1942, l’emblême du PPF en 1943 et le sigle du Rassemblement National Populaire fondé en 1941 et dissous en 1944.

L’anti-communisme

Le Parti communiste a produit un nombre considérable d’images, et il a nourri de fait, l’imaginaire de son anti-propagande. L’extrême droite radicale a tenté de déconstruire ce mythe communiste à grand renfort d’images de violence dévastatrice ou de satire, souvent de très mauvais goût.

A rebours des révolutions artistiques

Si les affiches de droite et d’extrêmes droite ont moins pénétré notre imaginaire collectif c’est sûrement pour les idéologies fascistes qu’elles véhiculent et leurs idées nauséabondes et antisémites. Au delà des considérations idéologiques, peut-être peut-on aussi y voir le manque d’ancrage dans un siècle de révolutions artistiques. En effet, les  grands mouvements artistiques, notamment en peinture, qui se sont épanouis en Europe, étaient pour beaucoup de conservateurs, le fait d’artistes déviants et souvent issus de nationalités différentes. Le Paris d’avant guerre par exemple était une vraie terre d’asile pour nombre d’artistes étrangers ou apatrides et qui ont grandement participé à l’éclatante création française. L’iconographie de la droite est passée totalement à côté des grands courants du constructivisme ou du futurisme et les artistes qui se sont mis au service de la propagande l’ont majoritairement fait pour porter une idéologie de gauche, principalement auprès des Républicains espagnols.

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