Qu’est ce que la création ou créativité

Si je devais retenir une définition pour parler de créativité, je retiendrais celle-ci : la créativité est la capacité à faire émerger des idées et à créer ou penser une chose nouvelle et adaptée au contexte. On parle de créativité aussi bien au sujet du génie d’Einstein, qu’au sujet de la création artistique.

Créativité et neurosciences 

Il n’existe pas une zone du cerveau spécifiquement dédiée à la créativité. Cette dernière dépend au contraire de la connexion entre plusieurs zones et de l’interaction principale entre deux réseaux cérébraux : le réseau du contrôle exécutif qui nous permet d’exercer un contrôle sur nos pensées et nos actes et le réseau par défaut, impliqué dans la cognition spontanée. Ce réseau joue un rôle essentiel dans les émotions et l’introspection, il est activé lorsque notre esprit vagabonde, laissant place aux associations d’idées par exemple.

Le premier réseau se situe dans le cortex frontal (la partie antérieure du cerveau) et résulte d’un comportement volontaire, alors que le second résulte d’un relâchement.

Le principe à l’œuvre est souvent le même : lorsqu’un problème se pose, le cortex frontal (le premier réseau) est d’abord sollicité, notre conscience et notre “intelligence” sont entièrement mobilisées. Cependant, pour que s’enclenche le mécanisme “d’incubation”, il est important que s’active, le second réseau, c’est à dire le réseau par défaut.

Cette phase, dite d’incubation, ou de travail inconscient intérieur, est nécessaire et succède à la première phase qui se solde souvent par une période de bloquage après un temps d’effort intellectuel, lorsque le réseau du contrôle exécutif est mobilisé. Cette phase d’incubation doit (en théorie) déboucher sur le fameux principe “Euréka”. C’est pourquoi il est souvent important de ne pas se focaliser sur une tâche, car la conscience peut être inhibitrice, et l’effort permanent qui caractérise l’esprit, crée l’obstacle.

Descartes affirme avoir eu l’intuition du “Discours de la méthode”, au cours d’un rêve, la légende veut qu’Isaac Newton ait eu le déclic de la loi de la gravitation universelle en se reposant sous un arbre, et comme chacun sait, nous devons, selon la légende, l’expression “Euréka”, au bain d’Archimède.

En réalité quand nous pensons que nous ne pensons pas, nos réseaux neuronaux sont à l’œuvre et notre inconscient est au travail, c’est pourquoi il est essentiel de “vagabonder”. Bien-sûr, pour que ces vagabondages soient productifs, il est indispensable d’avoir mobilisé auparavant toute sa volonté et sa motivation et ensuite, se mettre au travail pour faire que cette idée lumineuse se transforme en brillante théorie de la gravitation ou en en œuvre littéraire : le travail reste à faire ! La phrase de la philosophe Hannah Arendt le résume joliment  : “Le courage c’est de prolonger la naissance.” Par naissance, on entend ici, idée et par courage, on entend travail, afin que l’idée fasse œuvre.

Le vagabondage mental est essentiel

pour engager la phase d’incubation

créativité et neurosciences

Evaluation et mesure

Il a été théorisé trois approches afin d’évaluer les capacités créatives : la pensée divergente, les combinaisons associatives et les problèmes à résoudre.

La pensée divergente : consiste à demander à des participants de donner le plus d’idées originales possibles dans un temps contraint.
Exemple : quel usage détourné faire d’un objet de la vie courante. Le but est de donner la réponse la plus originale, pertinente ou drôle.

Les combinaisons associatives : consiste à combiner ensemble des choses qui ne sont habituellement pas en lien afin d’évaluer la capacité à organiser nos connaissances dans la mémoire sémantique.
Exemple :  trois mots sont proposés à un participant, qui doit trouver un mot à la fois lié à chacun et à l’ensemble. Herbe, culture et baguette doivent donner le mot blé.

Les problèmes à résoudre : il s’agit le plus souvent de notre capacité à changer de perspectives et de restructurer notre conceptualisation mentale du problème pour envisager d’autres types de réponses possibles. Comme par exemple, relier ces 9 points avec 4 lignes droites seulement et sans lever le crayon.

Une des illustrations les plus parlantes à ce sujet, c’est bien-sûr Einstein et ses expériences de pensées (exercice très largement pratiqué par les théoriciens de la première moitié du XXè siècle)

Le génie du plus célèbre physicien réside (notamment !) dans sa faculté à manipuler des concepts à différents niveaux.  Sa théorie d’espace temps, si difficile à cerner pour nous, est le fruit (entre autre) d’une simple question d’enfant : « que se passerait-il si je chevauchait un rayon de lumière. » 

La capacité à penser hors du cadre est un formidable booster d’idées.

La pensée divergente

combinaisons associatives

Combinaisons associatives

Problèmes à résoudre

“l’imagination est plus forte

que le savoir”

Albert Einstein

Émotion et langage

Même si le rôle des émotions n’est pas encore bien compris, il est l’objet d’attentions toutes particulières, mais récentes. Il est avéré que les émotions sont un facteur majeur pour la créativité. Les émotions positives comme la joie, pourraient stimuler la recherche d’idées et permettraient aussi d’élargir les associations sémantiques et d’élargir le champ des associations possibles afin de connecter des choses plus distantes. L’optimisme et la capacité à s’émerveiller participent aussi à une pensée plus créative.
A l’inverse, la tristesse et l’anxiété semblent être néfastes pour la créativité.

Enfin, la motivation joue un rôle crucial dans le processus, en interaction avec les capacités cognitives. Renforcer la motivation serait donc un levier majeur de créativité.

Tous s’accordent sur le fait que les signes sont un soutien nécessaire à la pensée et que le système de signes le plus courant est bien sûr le langage proprement dit. Néanmoins, la pensée est inventive lorsqu’elle use d’autres systèmes de signes, plus souples et moins standardisés que le langage ordinaire.

Ces systèmes ont la vertu de laisser davantage de liberté au mouvement de la pensée qui les produit. Ils permettent ainsi la constitution d’une pensée plus créative, au caractère souvent discontinu et procédant par illuminations.

Einstein (toujours lui) qui a parlé très tard et s’est exprimé avec difficulté tout au long de sa scolarité explique que le langage, dans la formalisation de ces idées, n’entre pas en ligne de compte, mais que ces idées procèdent de fulgurations phosphorescentes, d’images et de signes, associées dans un second temps à la rigueur de la pensée scientifique, évidemment ! 

Cerveau de Néandertal et Homo Sapiens

Le désespéré – Gustave Courbet

Antonin Artaud et la Théâtre de la cruauté

Folie et force créative

Le lien ente folie et créativité est solidement ancré dans notre imaginaire, mais existe-il vraiment ?

Pour répondre à cette question je me suis penchée sur le livre de Raphaël Gaillard, professeur de médecine en charge du pôle de psychiatrie de l’hôpital Saint-Anne. Le titre de son livre, “Un coup de hache dans la tête”, est emprunté à Diderot qui a écrit, je cite : “les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête”. Dans son ouvrage, Raphaël Gaillard interroge le rapport entre folie et créativité, une croyance et même un mythe, enraciné depuis la Grèce antique et porté en Occident, par deux grands courants artistiques : le Romantisme et le Surréalisme.

Ce mythe de la folie se fonde sur la croyance que mélancolie et génie créatif sont liés.“la Bile noire” (mélancolie, voire dépression) selon les anciens, serait féconde. Le Romantisme relaie cette idée plusieurs siècles plus tard, en tournant le dos aux idées rationnelles des Lumières pour exalter une nature humaine faites de passions. Le Surréalisme, prône une déstructuration de la pensée et s’appuie sur la symbolique des rêves et l’écriture automatique. Antonin Artaud et son concept de Théâtre de la cruauté illustre de façon brutale, cette croyance du lien entre les deux. 

Selon Raphaël Gaillard, l’ambiguïté de ce rapprochement, vient de la capacité  du patient atteint de troubles psychiques  à faire surgir l’inattendu et à faire un pas de côté. Mais la souffrance psychique, tant elle est écrasante et tend à annihiler le pouvoir de décision prend toujours le dessus sur l’envie de créer. Car si la folie fait émerger des idées ou des représentations hors du cadre normatif, elle ne fait pas œuvre pour autant. 

Pour explorer plus avant encore cette question, l’auteur est allé au delà de sa propre discipline et expérience, en se penchant sur des études récentes relatives à l’évolution. Les gènes de vulnérabilité aux troubles psychiques se trouvent dans le génome de l’Homo Sapiens, à la différence de celui de Neanderthal. Les troubles psychiques d’Homo Sapiens seraient donc le prix à payer pour un cerveau ayant évolué vers des capacités dont Neanderthal était dépourvu, c’est à dire nos capacités à reconstruire le monde, à le penser au delà du réel. Nous manipulons des idées ou des représentations du réel et non le réel lui-même, nous sommes donc capables de création, et cette aptitude à manipuler le réel nous rend perméable aux troubles psychiques. Le langage est le vecteur principal par lequel nous manipulons ces représentations. 

L’approche privilégiée aujourd’hui, quand à la stimulation de sa créativité est tout autre. Si, ce que l’on nomme folie, est la manifestation de désordres psychiques à l’origine d’une grande souffrance pour le patient, les éléments qui selon les neuro-scientifiques permettent de stimuler la créativité sont au contraire lié au bien-être et au développement personnel. On tend à se montrer plus créatif lorsque l’on est heureux et libre de laisser son esprit rêver, sans stress et sans déficit de sommeil. 

Pour terminer, citons Dubuffet, grand théoricien de l’art brut qui écrivait : “L’art des fous n’existe pas,  il n’y a pas plus d’art des fous que d’art des malades du genou ». En d’autres termes, le génie n’est rien sans le travail.

“L’art des fous n’existe pas,

il n’y a pas plus d’art des fous que d’art

des malades du genou.”

Jean Dubuffet

CONCLUSION

Les idées naissent donc à partir de connexions complexes entre plusieurs zones activées dans notre cerveau et font intervenir à la fois une partie très conscience et “intelligente” et une partie plus intime, inconsciente qui est aussi le siège de nos émotions.

Une autre façon de parler de créativité, de façon moins scientifique mais plus philosophique, serait de dire qu’elle est le résultat de la confrontation entre la richesse de nos interactions avec le monde extérieur et la richesse de ce dialogue permanent et souvent inconscient que nous entretenons avec nous-mêmes, dans le puit de notre intériorité à laquelle personne d’autre que nous n’a accès. Plus nous interagissons et en même temps, plus nous allons vers l’introspection, plus nous développons notre créativité.

Les journaux intimes par exemple, dont la vocation n’est aucunement la diffusion, s’adressent à cet autre ou ces autres domicilié(s) en nous. Les journaux peuvent prendre la forme de carnet d’écriture ou de dessin, de collage… peu importe le média.

Pour conclure, citons Camus, pour qui “créer, c’est vivre deux fois”, et le philosophe français Henri Bergson pour qui toute grande joie est la conséquence d’une création : “L’invention, c’est le progrès d’une pensée qui change au fur et à mesure qu’elle prend corps. C’est un processus vital, quelque chose comme la maturation d’une idée”.

Nous vous invitons à découvrir quelques conseils créatifs illustrés et animés sur notre site hello grafico

Par ailleurs, nous avons essentiellement abordé le processus de création sous l’angle d’une démarche individuelle, mais il existe de plus en plus  d’approches et de formations autour de la création et l’intelligence collective. Nous vous proposons de découvrir l’article de Karine Clouet, facilitatrice et formatrice.

Sources : “L’institut du cerveau” –  “La conversation scientifique”  Etienne Klein –  “Un coup de hache dans la tête” Raphaël Gaillard.

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