Comment mettre en scène le vin, comment raconter son histoire, sa culture, sous quel angle…
Cette mission a été confiée au Cabinet Londonien Casson Mann, pour la réalisation du Parcours permanent de la Cité du Vin.
Rapport entre l’œuvre d’art et sa mise en scène : petite introduction à la scénographie.

Avant de commencer, il est nécessaire de préciser en quoi consiste la scénographie. Sa mission est d’aménager des espaces d’expositions et de mettre en scène des œuvres ou des thèmes à travers un parti pris sur la forme autour de la déambulation du public.

Cabinet Casson Mann

Casson Mann Limited est une société, créée en 1984 par Dinah Casson et Roger Mann, spécialisée dans le design et l’agencement intérieur. Depuis 15 ans, ils sont devenus la référence incontournable en matière de scénographie de Musées à Londres, mais aussi aux Etats-Unis et désormais en France.  Ils ont signé la scénographie du Parcours Permanent de la Cité du Vin.
La passion qui anime Casson Mann est celle qui consiste à donner vie, à la fois, à des espaces, des objets, des idées ou des concepts, à l’aide de techniques narratives qui s’appuient sur les dernières technologies à l’adresse d’un public varié : enfants comme adultes, amateurs curieux ou passionnés connaisseurs.

Cette vision de la scénographie des lieux de culture ou de découverte, est à l’avant-garde de la conception d’exposition. Découvrez une petit partie de leur travail.

Churchill Museum de Londres

Benjamin Franklin Museum Philadelphie

Cité de la Gastronomie de Lyon

La Cité du vin

Le projet de la Cité du vin a été décroché en 2011, grâce au tandem gagnant formé avec les architectes parisiens d’XTU, pourtant Gary Shelley, l’actuel directeur et responsable du projet, ne s’attendait pas, en tant qu’anglais à être légitime à parler de vin en France ! L’explication réside sûrement dans l’exceptionnel savoir-faire et talent du Cabinet qui compte pas moins de 20 à collaborateurs dans un immense open space,  à l’est de Londres. Casson Mann, c’est surtout une série de références impressionnantes :
Le Churchill Museum à Londres, le Benjamin Franklin Museum à Philadelphie, la Cité de la gastronomie à Lyon, et le Centre International de l’art pariétal à Lascaux, entre autres…

L’enjeu de la Cité du vin

Tout l’enjeu du projet a été de créer une expérience immersive, interactive et sensorielle pour faire vivre au visiteur une expérience unique sans pour autant négliger l’aspect pédagogique inhérent à la vocation de tout musée. Cette double visée prend tout particulièrement son sens dans ce cas précis, lorsqu’il s’agit de partir à la découverte du vin, objet de culture, de civilisations, de techniques mais avant tout, objet de sensation. A la Cité du Vin, c’est bien cet habile équilibre entre expérience ludique et découverte culturelle, qui fait la réussite du projet.

L’exposition permanente appelée ici Parcours permanent est propice à la déambulation libre, mais peut aussi s’expérimenter guidé.
L’exposition s’étend sur 3000 mètres, rythmés par 20 espaces thématiques, dont un impressionnant survol en hélicoptère des plus grands vignobles, des galeries plus intimes dans lesquelles le spectateur peut parcourir des documents historiques ou découvrir en détail et à son rythme, les cultures et civilisations du vin. Le visiteur pourra aussi plonger dans une expérience olfactive, merveilleusement mise en scène.

Les 20 espaces sont rythmés en 3 parties : les vignobles du monde, avec une ambition pédagogique, au cœur des civilisations, un espace culturel, avec une mise en avant des vins de Bordeaux, bien-sûr et les imaginaires du vin, un parti-pris onirique avec des mises en situation interactives, olfactives et tri dimentionnelles…
Découvrez en détail le plan du Parcours :

Un autre projet

Lascaux IV

Restons en région, avec cet autre projet, le Centre International de l’art pariétal à Lascaux :

Lascaux IV, c’est la possibilité unique de découvrir la grotte dans son intégralité ! Grâce à l’exceptionnel travail des auteurs du fac-similé, vous allez vous retrouver comme il y a 20 000 ans dans ce chef-d’œuvre de l’art pariétal. Parcourez des espaces retraçant l’histoire de la découverte, l’art pariétal dans le monde et les liens avec l’art contemporain. Grâce à une technologie de pointe et un travail scientifique exceptionnel, venez vivre une expérience inédite ! Centre International de l’Art Pariétal à Montignace en Dordogne.

La scénographie

A l’instar d’un texte littéraire qui se définit par son style, une exposition, qu’elle soit permanente ou temporaire, se définit elle aussi sous un angle didactique, esthétique, onirique ou pratique. C’est la mise en espace,  c’est à dire la scénographie qui en définit, pour une grande part, le style.

La scénographie, contraintes et utilités

Au service d’une histoire, d’une démonstration ou d’une présentation, mais aussi tributaire du cadre social, culturel et institutionnel et dépendante des auteurs qui la créent, la scénographie est déterminante dans la vie des expositions, leur succès, leurs évolutions et leur qualité. Elle contribue, pour ne pas dire qu’elle détermine, la nature des stratégies d’approche que le public développe lors de ses visites, et elle garantit la bonne conservation des collections. Opérant sur le public et sur les objets, la scénographie est à la fois reflet de l’évolution des musées et promoteur de ces changements.

La scénographie, reflet et promoteur de l’évolution des musées

La scénographie moderne, avec à son service les nouvelles technologie et l’expérience du digital, s’oppose  au musée traditionnel avec ses accrochages en deux dimensions, ses socles, ses vitrines cubiques et ses ordonnancements souvent indéchiffrables pour le visiteur amateur.
Cette mise en espace – exhibition design ou display – appelée auparavant “mise en scène” ou “décor d’exposition” s’est largement inspirée du monde du spectacle, avec l’objectif de situer œuvres et discours dans l’espace et le temps, et soutenir un propos qu’elle doit rendre lisible et compréhensible.

La scénographie, un “art” aux multiples contraintes

La scénographie qui doit articuler, dans un espace architectural déterminé, des images en deux dimensions – peintures, gravures, dessins, photos –, des œuvres ou objets tridimensionnels et des aides à la visite – textes écrits, multimédias, audiovisuels – est soumise à de fortes contraintes importantes à appréhender pour comprendre les réponses que font les architectes aux commandes et qui sont précisément largement guidées par ces multiples obligations. La première difficulté vient du fait que la scénographie consiste à installer au sein d’un bâtiment – un musée la plupart du temps – une exposition temporaire dans un espace dont la signalétique doit être repérée, pendant un temps donné, par le visiteur dès son arrivée, mais elle doit être évidente tout en respectant l’esprit du lieu. La signalétique revêt alors une grande importance et le style de la mise en espace également. Au scénographe de trouver l’échelle et la nature du mobilier, l’ambiance des couleurs et des matières qui s’harmonisent avec le lieu et permettent d’identifier l’espace de l’exposition temporaire. Le Grand Palais ne s’habite pas comme les salles d’exposition de la Cité de la dentelle et de la mode à Calais… Au musée d’Art contemporain de Montréal, par exemple, exposition temporaire et collection permanente ne se distinguent pas toujours clairement l’une de l’autre, ce qui peut perturber la visite.

D’autres contraintes vont naître des objectifs conceptuels des responsables de l’exposition. Il s’agit, pour le scénographe, de penser l’organisation de l’espace de façon à rendre lisible la pensée du commissaire d’après le scénario qu’il aura élaboré. La trame imaginée par le concepteur peut nécessiter un parcours avec un enchaînement logique d’espaces ayant un lien évolutif entre eux. Comme l’exigera, par exemple, un accrochage chronologique tel qu’il se présente dans des salles de peintures de la plupart des musées des beaux-arts en France, ou encore dans certains musées de société comme le musée canadien des Civilisations d’Ottawa dont les salles consacrées à l’histoire du Canada déroulent l’une après l’autre les grandes dates de son développement économique et social. Au contraire, les scénarii thématiques permettent la création d’une série d’espaces indépendants les uns des autres, donnant l’occasion de jouer avec la circulation, comme dans le parcours en étoile du musée de Jokkmokk en Suède où, à partir d’un espace central, se déclinent les activités des populations locales – migrations, élevage de rennes, chasse, etc. L’exposition Kannibals et Vahinés au musée des arts d’Afrique et d’Océanie présentait huit thèmes – tels que “Les antipodes ou la tête à l’envers”, “Le Kannibal”, “La Vahiné”, etc. – traités dans des espaces symbolisant des baraques de foire que le visiteur pouvait découvrir dans n’importe quel ordre, en déambulant. À partir de cette donnée fournie par le scénario – enchaînement des espaces ou rupture possible de l’un à l’autre – le scénographe a pour rôle de traduire visuellement, dans l’espace, les découpages intellectuels opérés par le commissaire et illustrés par des œuvres et des informations. Cimaises, cloisons, types de mobilier, codes de couleurs, signalétique au mur et au sol, et matériaux vont être ses mots pour signer son travail.

De l’utilité de la scénographie

Quel est son rôle, quelle est son utilité ? Le principe d’exposer les œuvres selon certains protocoles codés est ancien et date des cabinets de curiosités. Au XIXe siècle, par exemple, la peinture d’histoire, en haut de la hiérarchie des genres, trônait sur la partie centrale des murs avec les paysages à ses pieds. Depuis le XXe siècle, les commissaires comptent beaucoup sur la mise en espace pour garantir la réussite de leur exposition aussi bien en termes de nombre de visiteurs qu’en qualité de la visite pour le public. Elle joue un rôle important pour attirer les visiteurs, assurer leur délectation, faciliter la lecture des œuvres et aider à leur interprétation.

Afin de séduire le visiteur, le scénographe s’attachera à répondre à 3 grands objectifs :

Créer une atmosphère, propre à plonger le visiteur dans l’univers de l’œuvre ou de la thématique. Les ressources à sa disposition sont nombreuse, la mise en lumières bien-sûr, les différentes hauteur et les différents espaces qui rythment l’exposition, et l’utilisation du rapport être ces différentes espaces.

Faciliter la lecture des œuvres
La scénographie a réussi à capter l’intérêt du visiteur, elle doit aussi permettre une lecture et une compression des œuvres. Par exemple Le musée de Pointe à Callières présente les maquettes de la ville de Montréal à différentes époques dans des vitrines sous le sol sur lesquelles le visiteur marche et voit de haut, de façon très claire la ville, ses rues, ses maisons, et ses espaces verts au cours des siècles. La lecture est ainsi très facile. L’inventivité de la mise en espace dans ces cas précis est absolument déterminante pour servir le propos. 
Inversement, comment mettre en valeur de petites objets dont la compréhension se fait dans le rapport avec d’autres œuvres beaucoup plus imposantes, du point de vue de la taille.
Si l’accumulation banalise, elle permet une démarche comparative, et l’isolement, lui, attire la contemplation esthétique. Dans le respect des choix du commissaire et du scénario, le scénographe va devoir proposer des présentations dans un sens ou dans l’autre.

Aider à l’interprétation
Une scénographie réussie, outre ses qualités esthétiques, permet une bonne lecture des œuvres mais elle peut également apporter une aide importante au visiteur pour leur interprétation. Celle-ci est, le plus souvent, assistée par la présence d’informations textuelles, audiovisuelles et multimédias ainsi que par l’éventuelle contextualisation des objets.

La séduction que dégage une exposition dont les médias et le bouche à oreille se feront l’écho passe par l’atmosphère que le visiteur y trouve. Elle peut être froide ou chaleureuse, scientifique ou poétique, paisible ou tourmentée. L’on constate que la mise en espace des collections suit les transformations sociales et culturelles de chaque époque, et qu’elle traduit son ambiance. Pour séduire, elle est tributaire de la mode. Cette atmosphère créée par la lumière, les couleurs, les matériaux, la hauteur de plafond, etc. va rendre le public réceptif ou au contraire l’éloigner du propos. La scénographie de l’exposition de la collection Barbier Muller au musée de Genève soulignait le caractère précieux de la collection et le visiteur percevait qu’il pénétrait au sein d’une collection privée, il s’en dégageait une intimité. Tandis que dans une autre salle du même musée, l’exposition d’archéologie préhistorique se présentait comme un grand livre d’histoire ouvert au goût du jour. Chacune de ces mises en espace donnait visuellement, dès le premier abord, une partie des clefs de lecture souhaitées par les commissaires : contemplation esthétique pour la première, information pédagogique.

Laisser la place aux œuvres
Les musées comme nous l’avons vu ne pensent plus uniquement la mise en disposition des œuvres au public, en terme de simples accrochages. Ils s’adaptent à un marché en évolution pour séduire de nouveaux visiteurs. Aujourd’hui, proposer un parcours immersif est désormais au cœur des enjeux muséographiques. Dans les musées, les expositions deviennent le lieu de véritables performances. Biberonnées aux nouvelles technologies, les nouvelles générations plébiscitent les expériences digitales et en coulisses, les experts de la scénarisation d’espace s’activent pour répondre à des cahiers des charges toujours plus ambitieux. Les progrès de l’impression numérique, de la création en volume et des technologies digitales leur offrent tout un panel de solutions. Le contrepoids à cette tendance en revanche est parfois de proposer une scénographie tellement présente et ludique qu’elle écrase parfois l’œuvre, au profit d’une expérience ludique à tout prix, voire de dénaturer l’œuvre elle même comme cela a été le cas de la cadre de projection animée de tableaux de peintes abstraits.

Si les scénographes sont à leur manière des artistes, ils le sont avant tout pour mettre leur art au service des œuvres.

Crédites et Références : Cabinet Casson Mann – Cité du Vin – Musée de l’art Pariétal – Claire Merleau-Ponty. Quelles scénographies pour quels musées

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